La mine en Guyane

De par son histoire géologique (notamment l’orogénèse transamazonienne), le sol du plateau des Guyanes contient d’importants gisements aurifères et d’autres substances (bauxite, argent, plomb, zinc, cuivre, platine..). Initiée au milieu du XIXe siècle, l’activité minière en Guyane est aujourd’hui centrée sur l’exploitation de l’or, principalement des gisements alluvionnaires et plus à la marge des gisements primaires. L’activité minière fait partie des sujets de veille principaux de Guyane Nature Environnement, qui travaille au respect et à l’amélioration de la réglementation applicable.

Histoire de l’orpaillage en Guyane

La présence d’or dans les sols guyanais a fait l’objet de nombreux mythes et légendes des navigateurs européens arrivés en Amérique du Sud aux XVIe et XVIIe siècle, qui imaginaient de très riches gisements d’or et de pierres précieuses, en témoigne la légende d’El Dorado.

Exploitation alluvionnaire du premier cycle de l’orpaillage – L’exploitation de l’or en Guyane, Matheus, 2019, p13

C’est entre 1854 et 1855 que la présence d’or est officiellement identifiée par des travaux de recherche, sous forme de paillettes et de pépites sur la crique Arataye : à partir de ce moment-là, commence la ruée vers l’or du plateau des Guyanes. Les orpailleurs commencent par exploiter les affluents de l’Approuague puis s’étendent aux bassins de l’Orapu, du Kourou, du Sinnamary, du Maroni et de la Mana. Les orpailleurs remontent également de plus en plus loin vers l’intérieur du territoire au début du XXe siècle, vers le Lawa, la Tapanahony, la Camopi et la région de Saül. L’âge d’or de l’exploitation aurifère atteindra un pic en 1908 (4,5 tonnes d’or extraites par an) puis s’arrêtera au début de la Première guerre mondiale. C’est à partir de 1880 que l’exploitation aurifère commence à se formaliser, avec l’octroi de concessions minières : en parallèle, une activité informelle se développe, ce sont les premiers orpailleurs dits illégaux qui génèrent de nombreux conflits et vols. L’Office Français de la Biodiversité constate que “L’orpaillage illégal est donc aussi ancien que l’activité légale en Guyane”.

Les exploitants miniers recourent pourtant souvent à la main-d’œuvre sans titre pour exploiter de manière artisanale leurs gisements, pour faire face à l’inadéquation de la réglementation française par rapport à la multiplicité de petits exploitants et l’absence de contrôle. Ces premières exploitations sont réalisées par extraction gravimétrique, qui sépare l’or plus dense des alluvions plus légères, et qui utilise à cette époque-là du mercure pour récupérer les paillettes les plus fines. En parallèle, les exploitations commencent à se mécaniser, avec par exemple l’utilisation de dragues à godet qui raclent le fond des cours d’eau ou de concasseurs à vapeur ou à explosion.

Action A regroupée de 1200 francs de la Société Nouvelle de Saint Elie et Adieu-Vat de 1953 – ORkidé – Fonds privé Pierre Rostan

L’activité s’essouffle au début des années 1920 du fait du manque d’optimisation de la filière. Le déclin se poursuit jusqu’en 1974 à cause d’une conjonction de plusieurs facteurs (crises économiques, cours de l’or bas qui rend les exploitations mécanisées peu rentables, manque d’encadrement technique..).

A partir de 1975, par la conjugaison des chocs pétroliers et de la fin des accords de Bretton Woods, le cours de l’or explose, ce qui a participé à la relance de l’activité aurifère en Guyane : la production passe de 0,1 tonne en 1980 à 3,5 tonnes en 2000. L’activité a également augmenté du fait de la reprise de l’inventaire et de l’évaluation des ressources minérales guyanaises du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) à partir de 1974 et de l’accompagnement accru de l’administration, qui octroie un grand nombre de petites autorisations peu encadrées, les autorisations personnelles minières (APM).

La mécanisation de l’activité se démocratise, avec l’utilisation de pelles mécaniques, des lances monitor, des tables à secousse et de moyens de transport thermiques, ce qui permet de centupler la productivité des exploitations. Dans les années 1990, 75% de la production d’or est réalisée par de petits opérateurs et les sociétés minières multinationales ne réalisent en Guyane que de la prospection et préfèrent exploiter des gisements dans les autres pays du plateau des Guyanes où la main d’œuvre est bon marché.

Dans les années 1990, des recherches sont menées sur l’impact sanitaire et environnemental de l’utilisation de mercure, qui représente au minimum à la fin de la décennie entre 230 et 300 tonnes par an : ces études montrent une forte contamination des populations du Haut-Maroni au méthylmercure (la forme la plus toxique et bioaccumulable du mercure) qui agit comme un neurotoxique. Les études de 1994 et 1999 ont montré une contamination au mercure moyenne de 11,4 µg/g pour 57,4% des populations d’Antecume-Pata, Twenké et Taluen, soit une valeur supérieure à la limite de 10µg/g de l’OMS, en raison de la consommation de poisson contaminé. “Les amérindiens guyanais subiraient ainsi parmi les niveaux de contamination les plus élevés au monde s’agissant d’une exposition d’ordre chronique ” alerte le rapport de la députée Christiane Taubira en 2000. A la suite de ces découvertes, l’utilisation de mercure dans l’exploitation aurifère est interdite (arrêté préfectoral n°1232/SG du 8 juin 2004) au 1er janvier 2006.

La valeur refuge de l’or a depuis donné lieu à une augmentation quasi continue de son cours, encourageant l’exploitation de gisements (valeur multipliée par 43 en 50 ans).

En savoir plus sur le problème du mercure:

La problématique du mercure survient dans deux cas, principalement liés à l’activité minière:
  • Article France Guyane du 28 août 2023
    Quand le mercure utilisé pour l’amalgamation de l’or est rejeté dans l’eau et dans l’air, sur les sites exploités légalement jusqu’à 2006 et depuis uniquement sur les sites exploités clandestinement,
  • Quand le sol est déforesté et concassé pour réaliser une exploitation minière, ce qui crée une érosion très accélérée et remobilise les stocks de mercure naturellement présents dans les sols.

Ces deux phénomènes peuvent se combiner, quand une exploitation minière s’installe sur un site exploité précédemment avec du mercure, ce qui accroît la quantité de mercure remobilisé dans l’eau. C’est quand le mercure passe d’une forme inorganique à une forme organique, le méthylmercure, qu’il devient dangereux au niveau environnemental et sanitaire. La méthylation du mercure se produit notamment dans des conditions anoxiques, ce qui est souvent le cas dans des retenues d’eau, comme des bassins de décantation du minerais traité (barranques) ou des retenues de barrage comme le lac de Petit-Saut.

Le méthylmercure est très toxique et se bioaccumule dans toute la chaîne alimentaire pour arriver jusqu’à l’Homme : poissons herbivores, poissons carnassiers, mammifères piscivores. Son effet neurotoxique impacte particulièrement le développement du système nerveux des fœtus et des enfants, c’est pourquoi la consommation de poissons carnassiers est déconseillée aux femmes enceintes et aux enfants dans les zones très touchées par la pollution au mercure (haut-Maroni et haut-Oyapock). Ces mesures ne permettent que de limiter cette catastrophe sanitaire, sociale et environnementale, qui perdure depuis plusieurs dizaines d’années.

L’exploitation minière aujourd’hui

L’exploitation légale la plus commune aujourd’hui en Guyane est l’exploitation mécanisée des gisements alluvionnaires avec traitement gravimétrique sans adjonction de mercure. Plusieurs projets miniers ont pour objectif l’exploitation de gisements d’or primaire en profondeur, qui pourraient voir le jour dans plusieurs années. Ces projets d’exploitation primaire, généralement à plus grande échelle, sont souvent couplés à un procédé de traitement du minerais par cyanuration.

Les exploitations minières alluvionnaires sont généralement de petite taille et encadrées par le régime légal des Autorisations d’Exploitation minière (AEX), un régime dérogatoire et moins exigeant que le droit commun des mines.

Le cadre réglementaire de l’exploitation minière en Guyane:


Le régime général des mines s’applique depuis 1998 en Guyane, selon lequel pour explorer un gisement et exploiter une mine, il faut:
  • Titres et autorisations minières valides ou en cours de modification, Camino, 01/10/2023
    Détenir un titre minier, qui attribue à son propriétaire un périmètre, il existe pour la recherche les Permis exclusifs de recherche (PER) et pour la recherche et l’exploitation les concessions et les Permis exclusifs d’exploitation (PEX), dont le régime est amené à disparaître.
  • Avoir déclaré ou reçu une autorisation d’ouverture de travaux miniers, selon l’ampleur des travaux (DOTM et AOTM).

Ce régime est applicable en Guyane mais il existe un régime dérogatoire, celui des Autorisations d’exploitation minière (AEX), qui dispense son détenteur de devoir demander un titre minier. Ce régime est prévu pour des exploitations de petite taille, d’1 km² à l’origine et maintenant de 25 hectares. La grande majorité des autorisations octroyées en Guyane sont des AEX.

Zonage actuel du SDOM sur Camino

Les exploitations minières de Guyane doivent également être conformes au Schéma Départemental d’Orientation Minière (SDOM), le document qui institue la politique minière du territoire en visant à trouver un équilibre entre développement économique et préservation de l’environnement. Cette politique passe par l’institution de normes et d’un zonage plus ou moins restrictif :

  • En zone zéro (réserves naturelles, coeur de parc..), l’activité minière est interdite,
  • En zone 1 seule la prospection aérienne et l’exploitation souterraine sont autorisées,
  • En zone 2 l’activité minière est autorisée sous contraintes,
  • En zone 3, l’activité minière est soumise au droit commun.

Le SDOM arrive aujourd’hui à la fin de sa période de validité et doit être révisé.

Les principaux projets miniers:


Les sites miniers historiques et actuels se situent sur la ceinture de roches vertes, les formations géologiques les plus riches en or de Guyane, qui dessine un arc de cercle qui part de Régina pour aller vers l’Ouest à cheval entre la Guyane et le Suriname entre Saint-Laurent du Maroni et Maripasoula puis revenir vers l’Est jusqu’à Camopi.

Il existe plusieurs grands projets d’exploitation minière, en général gérés par des consortiums d’entreprises dont de grandes multinationales et qui font l’objet de permis exclusifs de recherche et de concessions. Ces projets ont en général pour objectif de développer une exploitation minière industrielle :

  • Montagne d’or, par la société canadienne Orea Mining à Saint-Laurent du Maroni, sur 40,06 km²
  • Espérance, par la société française Compagnie Minière Espérance (CME) et la société américaine Newmont, entre Apatou et Grand-Santi sur 25 km²
  • Maripa Gold, par la société canadienne Iamgold à Roura et Régina, sur 119,6 km²
  • Dieu-Merci, par la société française Auplata Mining Group à Saint-Elie sur 112,86 km² et qui comporte déjà une unité de cyanuration, voisin de la concession Saint-Elie de la société française Société des Mines de Saint-Elie (SMSE) de 99 km²
  • Boulanger, par la société française Compagnie minière de Boulanger (CMB) et la société canadienne Reunion Gold à Roura, sur 38,42 km²
  • Yaou et Dorlin, par une filiale d’Auplata Mining Group et la société canadienne Reunion Gold à Maripasoula sur 136 km²
  • Haute-Mana, par la société française Union Minière de Saül (UMS) à Saül, de 121 km²

D’autres zones sont particulièrement exploitées par le biais d’AEX, en général par des groupes d’entreprises locales:

  • La crique Serpent et la crique Amadis à Saint-Laurent du Maroni
  • Les affluents de la crique Korossibo à Mana
  • Les têtes de crique des affluents de la Comté à Roura et de l’Approuague à Régina proches de la Réserve Naturelle Nationale des Nouragues

Certaines AEX ont été octroyées en proximité des grands projets miniers (Dorlin, Boulanger), à l’inverse d’autres sont bien plus éparpillées (Crique Nelson à Kourou).

Au 17 juillet 2023, 80 AEX valides étaient répertoriées en Guyane, pour une surface cumulée de 80 km² maximum.

Depuis le début de l’octroi des titres miniers au XIXe siècle, il est possible de retracer une partie de l’historique des titres et autorisations minières grâce au cadastre minier en ligne Camino. Les premiers octrois sont principalement des octrois de concessions minières puis à partir des années 1990, des octrois de permis exclusifs de recherche et d’AEX.

La majorité des concessions ont été octroyées avec une durée illimitée et sans une évaluation précise de leurs impacts environnementaux. Guyane Nature Environnement et France Nature Environnement agissent pour que les risques sanitaires et environnementaux soient correctement évalués lors de la prolongation des concessions historiques.

Les impacts de la mine en Guyane

L’exploitation minière en Guyane est principalement marquée par l’exploitation des gisements d’or alluvionnaire, c’est à dire de la roche-mère qui a été altérée par l’érosion et qui s’est déposée sous forme d’alluvions dans le lit des cours d’eau, ou éluvionnaire, à savoir de la roche-mère affleurante altérée. L’exploitation des gisements primaires, c’est à dire de la roche-mère intacte, est restée très limitée.

Pelleteuse stationnée à Petit-Saut

Les gisements alluvionnaires et éluvionnaires font l’objet d’une exploitation gravimétrique qui ne permet de récupérer qu’entre 30% et 60% de l’or présent dans le sol :

  • La surface à exploiter, qui comprend en général les lits mineur et majeur des criques, est entièrement déforestée,
  • Un canal de dérivation est creusé afin de contenir le cours d’eau présent sur la zone exploitée et travailler en circuit fermé,
  • La terre végétale et les argiles sont décapées et stockées puis la couche de graviers et d’alluvions aurifères présente en-dessous, épaisse de 50 centimètres à 1 mètre, est concassée et dissoute pour en extraire l’or,
  • Sluices à Petit-Saut
    La “pulpe” ainsi créée est traitée par gravimétrie sur des sluices, qui récupèrent l’or plus dense que les autres matériaux dans une sorte de moquette. Les boues générées par ce procédé sont stockées dans des bassins de décantation (ou parcs à résidus ou barranques),
  • Une fois décantés et asséchés, les bassins de décantation sont comblés, la topographie du site est refaçonnée, les troncs coupés sont répartis sur le site, la terre végétale réétalée et le site est revégétalisé.

Les procédés de déforestation – exploitation – réhabilitation – revégétalisation doivent être réalisés au fur et à mesure, de l’aval vers l’amont, de façon à réduire la période de l’impact.

Cette exploitation occasionne de nombreux impacts sur les forêts, les milieux aquatiques et la biodiversité, pourtant exceptionnels en Guyane. L’Office Français de la Biodiversité synthétise cela de la manière suivante :

Histoire et impacts environnementaux de l’orpaillage en Guyane. Clefs de compréhension des tensions actuelles – Melun, Le Bihan, 2020, p61

L’exploitation minière génère donc des impacts très importants, qui se cumulent et que les réhabilitations et revégétalisations ne permettent pas de résorber de manière suffisante. Les écosystèmes sont durablement détruits et les sols mis à nus continuent de se lessiver après la fin de l’exploitation, ce qui cause des pollutions aux matières en suspension au-delà du périmètre exploité.

Ces pollutions, qui peuvent être chargées en mercure et autres métaux lourds, atteignent tout le bassin versant en aval des sites: cela abaisse la qualité chimique et biologique des cours d’eau. La baisse de la qualité des cours d’eau et la fragmentation des habitats forestiers causés par la déforestation ont un impact direct sur la biodiversité, en particulier sur les espèces menacées, les poissons et les mammifères.

Histoire et impacts environnementaux de l’orpaillage en Guyane. Clefs de compréhension des tensions actuelles – Melun, Le Bihan, 2020, p81

Les dommages sont accentués quand les travaux réalisés ne respectent pas la réglementation:

  • Qu’il s’agisse de non-conformités sur des chantiers autorisés : pollutions, exploitations hors-périmètre, absence de réhabilitation, abandon de déchets…
  • Qu’il s’agisse d’orpaillage clandestin, pratiqué par les garimpeiros en-dehors de tout cadre légal. Appelé plus communément orpaillage illégal, cette activité utilise encore du mercure pour amalgamer l’or, ce qui occasionne des pollutions très importantes au niveau sanitaire et environnemental. Les orpailleurs clandestins ont aujourd’hui tendance à se tourner vers une exploitation des gisements primaires sous terre et à réduire l’ampleur de leurs déforestations pour être moins facilement détectés par satellite et hélicoptère.

Du fait des nombreux impacts de l’activité minière sur l’environnement, Guyane Nature Environnement agit pour une meilleure évaluation et limitation de ces impacts.

Le fléau de l’orpaillage clandestin

Carte des zones affectées par l’orpaillage illégal en Guyane – Le “système garimpeiro” et la Guyane, Le Tourneau, 2023

Par définition, l’orpaillage clandestin ne connaît aucune limite spatiale, temporelle ou légale. L’orpaillage clandestin a commencé à se développer en même temps que la formalisation de l’activité minière à la fin du XIXe siècle, où les orpailleurs informels commencent par “le maraudage”, ce qui consiste en une occupation et des vols sur les concessions,  puis passent à “la bricole”, où leur présence est tolérée sous réserve qu’ils participent au système commercial de la concession. Ces pratiques d’orpaillage informel connaîtront le même déclin que l’orpaillage légal à partir des années 1930.

Au milieu des années 1970, commence une ruée vers l’or au Brésil, en commençant par la région du Tapajos puis s’étendant à tout le bassin amazonien brésilien. Ces orpailleurs, nommés garimpeiros, exploitent les lits des cours d’eau et atteignent rapidement une forte productivité, si bien que le nombre de garimpeiros atteint “plusieurs dizaines de milliers d’individus”. Sous la pression des autorités brésiliennes qui souhaitent formaliser le secteur de l’exploitation aurifère au début des années 1990, les garimpeiros se replient dans la clandestinité et une partie d’entre eux part vers la Guyane et le Suriname. Fuyant des conditions économiques et sociales défavorisées, certains garimpeiros avaient déjà commencé à s’installer en Guyane à la fin de la décennie 1980, notamment dans l’exploitation des barges et des autorisations personnelles minières.

A la suite de la publication du rapport Taubira de 2000, la France décide de lutter contre l’orpaillage clandestin en s’appuyant sur le code minier récemment étendu à l’outre-mer. A partir de 2002, les opérations de Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI) se mettent en place: opération Anaconda, opération Toucan et enfin l’opération Harpie à partir de 2008 qui a permis de réduire le nombre de chantiers et la présence des garimpeiros, passant de 10 000 à 20 000 individus à 3 000 à 5 000 entre 2000 et 2020 (production de 3 à 5 tonnes annuelles) selon François-Michel Le Tourneau.

Parmi les méthodes d’exploitation utilisées, les barges fluviales qui aspirent les alluvions aurifères du fond des cours d’eau sont en régression car très visibles. Les orpailleurs clandestins pratiquent aujourd’hui plutôt une exploitation des berges des cours d’eau ou de tranchées à la lance monitor ou une exploitation des gisements primaires grâce à des puits et des galeries. Les alluvions et roches extraites sont traitées au mercure, qui permet de former un amalgame qui concentre l’or: cet amalgame est ensuite chauffé pour que le mercure s’en évapore et ne garder que l’or. A la destruction des criques, des forêts, aux pollutions aux matières en suspension s’ajoute ainsi une pollution atmosphérique et aquatique au mercure, qui contamine toute la chaine alimentaire en aval, ainsi qu’une pression supplémentaire sur la chasse et la pêche. En 2014, l’ONF calcule un total de destruction de cours d’eau de 1724 km pour la filière clandestine et de 1174 km pour la filière légale, ce qui représente de l’ordre de 5 000 km potentiellement pollués en 2014, avec chaque année une centaine de kilomètres supplémentaires impactés. Sur la déforestation, les données de perte du couvert forestier montrent une déforestation cumulées de 14 000 ha par l’orpaillage clandestin et 16 200 ha par l’activité légale en 2018. Les populations amérindiennes et bushinenguées subissent de plein fouet les conséquences sanitaires, sociales et environnementales de ce désastre.

Schéma de synthèse sur l’organisation de l’orpaillage clandestin en Guyane française – Le “système garimpeiro” et la Guyane, Le Tourneau, 2023

Le système garimpeiro prospère grâce à une logistique bien organisée qui dépasse les frontières de la Guyane: la majorité des flux de travailleurs viennent du Brésil et les flux de matériel viennent des comptoirs chinois du Suriname. Les garimpeiros utilisent ensuite les fleuves et leurs affluents pour se déplacer jusqu’aux chantiers et exporter la production. Pour contrer cette circulation, la gendarmerie de Guyane a annoncé la mise en place d’un poste de contrôle fluvial sur l’Approuague, la principale pénétrante vers les chantiers clandestins de l’Est guyanais. Dans le cadre de la réforme du code minier initiée dans la loi Climat et Résilience de 2021, les pouvoirs de contrôle des agents ont été accrus et leur modalités de contrôle facilitées, notamment par l’institution d’un carnet et de bons de transferts obligatoires pour la circulation de l’or et du matériel de chantier.

Guyane Nature Environnement appuie à son échelle pour un renforcement de l’efficacité de la répression de l’orpaillage clandestin, une coopération diplomatique pour une action transfrontalière cohérente, des opérations ciblées en priorité sur les zones habitées et les espaces naturels protégés et la recherche des solutions de restauration des fonctionnalités écologiques les plus adaptées et les moins impactantes.

Les dangers de la mine industrielle:

Si la majorité de l’exploitation minière légale guyanaise consiste en une exploitation dite “artisanale” des gisements alluvionnaires avec un traitement gravimétrique, les principaux grands projets reposent sur des techniques industrielles. Les grands projets miniers, comme Montagne d’or, le site de Dieu-Merci ou le projet Maripa consistent en l’extraction du gisement primaire aurifère qui se trouve en profondeur, grâce à une fosse à ciel ouvert. Le creusement de ces fosses et l’installation des infrastructures de traitement et de gestion du site génèrent une déforestation totale des zones concernées, soit autant de pertes d’habitat.

Le premier procédé de traitement industriel de l’or dans le monde est le traitement par cyanuration : le minerai est concassé et broyé, ce qui peut mobiliser des moyens techniques similaires à une exploitation gravimétrique. Le minerai broyé est ensuite plongé dans une cuve ou arrosé de solution cyanurée. Cela va avoir pour effet de “dissoudre” l’or que contient le minerai pour l’isoler du reste des matériaux qu’il contient, pour le récupérer. Une fois l’or récupéré, il reste de nombreuses étapes pour arriver à de l’or raffiné et l’utilisation du cyanure comporte de nombreux risques.

Note d’analyse Cyanuration dans l’industrie aurifère – Systext, 2021, p14

En effet, les cyanures sont des composés extrêmement toxiques qui doivent être manipulés avec beaucoup de précaution. Ils provoquent instantanément et à faible dose “l’asphyxie de tout organisme vivant et un violent déséquilibre des écosystèmes”. Des accidents lors du transport, du déchargement, de la manutention, du stockage, des fuites, des ruptures de digues, des défaillances matérielles peuvent donc avoir des conséquences catastrophiques pour les humains et l’environnement. La catastrophe d’Omai, en août 1995 au Guyana, due à une rupture de digue de parc à résidus cyanurés a entraîné le déversement de plusieurs milliards de litres de déchets miniers sur 51 kilomètres et a affecté 23 000 personnes qui habitaient dans la zone dévastée.

Une fois le cyanure utilisé, celui-ci est généralement dégradé en cyanates et thiocyanates, qui sont aussi toxiques pour les organismes aquatiques et “peuvent persister dans l’environnement pendant de longues périodes”. Le stockage des déchets miniers qui contiennent ces substances dans des bassins de décantation peut donc également comporter de nombreux risques, notamment de pollution des eaux de surface et des eaux souterraines et d’intoxication de la faune.

La dangerosité de la cyanuration est telle qu’il y a eu plusieurs projets d’interdiction de ce procédé : le parlement européen a pris une résolution sur l’interdiction générale du cyanure dans l’industrie minière en 2010, rappelée par une autre résolution le 27 avril 2017 et une question parlementaire le 1er mars 2023. Trois pays européens ont déjà interdit le cyanure (Allemagne, Hongrie, République Tchèque). En France, trois amendements en ce sens avaient été déposés lors des débats sur la réforme du code minier en 2021 mais ont été rejetés. Ces demandes évoquent notamment la survenue de plus de 30 accidents majeurs en 25 ans à cause de déversements de cyanure.

Les associations françaises et européennes appuient pour une sortie de l’utilisation du cyanure dans l’industrie minière pour éviter des catastrophes futures.

Montagne d’or, Auplata, Nelson, Total, Gold’or… les actions de Guyane Nature Environnement

Guyane Nature Environnement agit pour le respect et la progression du cadre réglementaire applicable à l’activité minière. Association agréée pour la protection de la nature et de l’environnement, nous agissons devant les juridictions administratives et pénales pour limiter les risques et les dégradations de ces activités sur l’environnement.

Ressources

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