Carbet Bonnaventure - 1 mai 2023 - crédit Anar VALIMAHAMED GNE

Eau, biodiversité et climat en Guyane

La Guyane est un territoire à la biodiversité exceptionnelle du Nord de la forêt amazonienne qui abrite 10% de la biodiversité mondiale. Son positionnement proche de l’équateur lui donne un climat équatorial humide, avec une forte pluviométrie et des températures stables. Le territoire guyanais est recouvert à plus de 90% par de la forêt tropicale humide et est parcouru d’une multitude de cours d’eau, qui marquent autant d’écosystèmes variés et uniques.

L’eau, élément incontournable des paysages guyanais

Principaux bassins versants de Guyane – SDAGE 2022-2027

Le climat équatorial de la Guyane a entraîné une forte altération des roches au fil des temps géologiques, ce qui a créé un sol peu perméable et un réseau hydrographique, ou chevelu, très dense qui s’étend sur 112 000 kilomètres. C’est le bouclier du plateau des Guyanes, un alignement de petites montagnes culminant à 850 mètres qui forme la frontière entre les Guyanes et le Brésil, qui forme la ligne de partage des eaux entre les bassins versants des fleuves des Guyanes et de l’Amazone.

Le réseau hydrographique guyanais est partagé en 14 grands bassins versants, dont ceux du Maroni et de l’Oyapock, les plus étendus, qui sont transfrontaliers.

Selon l’Office Français de la Biodiversité, “80% du réseau hydrographique guyanais sont constitués par des criques de moins de 10 m de large et 1 m de profondeur”.

La majorité de ces cours d’eau sont de petite taille aux caractéristiques hydromorphologiques variables. Les criques forestières sont en général bordées de forêts ripicoles et de zones humides, ce qui apporte de la fraîcheur et participe à la diversité des écosystèmes et des espèces. Ces ripisylves jouent un grand rôle dans le maintien des berges et contre l’érosion des sols, ce qui rend les eaux très claires et permet à certains animaux de pêcher à vue.

Elles remplissent ainsi de nombreuses fonctions écologiques et sont indispensables à certaines espèces qui dépendent de l’eau et des milieux humides pour réaliser tout ou partie de leur cycle biologique.

La dynamique côtière

Le littoral guyanais a l’une des dynamiques côtières les plus intenses du monde, du fait du volume d’alluvions charriées par l’Amazone (745 millions de tonnes par an) qui migrent et se déposent en bancs de vase le long des Guyanes. Cette dynamique côtière a un impact sur la présence des mangroves, qui se déplacent avec les bancs de vase.

L’état des masses d’eau

Les masses d’eau côtières et continentales sont indispensables pour l’accès à l’eau de la population et pour le maintien de la biodiversité mais de nombreuses menaces pèsent sur ces dernières.

“A l’échelle du territoire, l’ensemble des activités anthropiques qui entraînent une dégradation du couvert forestier et plus largement de la stabilité des sols (activité extractive, agriculture, développement urbain, extension du réseau routier, exploitation forestière, …) sont susceptibles de générer des relargages massifs de matières en suspension si un minimum de procédés visant à limiter leurs apports envers les milieux aquatiques n’est pas mis en œuvre”, rappelle le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) de Guyane.

La majorité des masses d’eau guyanaises sont classées en bon état chimique et écologique, ce qui en fait le district hydrographique le plus préservé à l’échelle européenne, mais cette proportion est en régression : 60 cours d’eau (soit 7%) sont passés entre 2013 et 2019 d’un bon état écologique à un état moins que bon.

Parmi les différentes pressions identifiées (déchets, assainissement, agriculture, pêche..), c’est l’activité aurifère légale et illégale qui porte de très loin la pression la plus significative.

Etat écologique des masses d’eau de type cours d’eau – SDAGE 2022-2027

La réglementation sur l’eau

Les masses d’eau et les milieux aquatiques sont protégés par le droit de l’environnement, notamment par les dispositions de la Loi sur l’eau du 3 janvier 1992 et la transposition de la Directive européenne Cadre sur l’Eau (DCE) du 23 octobre 2000.

Au niveau local, la politique de l’eau est précisée dans le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE), le “document d’orientation stratégique pour la gestion durable de l’eau et des milieux aquatiques à l’échelle du district hydrographique”.

La Guyane, le territoire européen à la plus forte biodiversité

Pripris de Yiyi

La forêt est le milieu naturel le plus répandu en Guyane, à environ 96% de sa superficie soit près de 8 millions d’hectares. D’autres milieux patrimoniaux sont présents en Guyane, comme les savanes sèches et humides, les mangroves et autres zones humides.. qui abritent une biodiversité et un taux d’endémisme très importants.

L’Office Français de la Biodiversité recense :

  • “5500 espèces végétales, dont plus de 1200 arbres
  • Plus de 700 espèces d’oiseaux
  • 189 espèces de mammifères
  • Plus de 500 espèces de poissons d’eau douce
  • 132 espèces d’amphibiens”

Encore aujourd’hui, la Guyane recèle de nombreuses espèces méconnues de la science.

La réglementation et la biodiversité

La biodiversité des espèces et des habitats est protégée par le droit de l’environnement au sens large. L’un de ses outils sont les espaces naturels protégés et la réglementation spécifique sur les espèces protégées.

Les espèces en Guyane

Parmi les espèces protégées de Guyane, on retrouve des espèces emblématiques comme le coq de roche, le singe-araignée noir, le caïman noir, la loutre géante, la sotalie ou encore la harpie féroce. Certaines espèces particulièrement menacées font l’objet de politiques spécifiques, comme le Plan National d’Action (PNA) sur les tortues marines, dont l’association Kwata est partenaire.

Les espaces naturels de Guyane

La forêt guyanaise est principalement primaire et abrite encore une biodiversité remarquable mais c’est un milieu naturel loin d’être uniforme. Les habitats forestiers guyanais sont multiples et dépendent de plusieurs paramètres: la géologie, le relief, la proximité avec un cours d’eau, la profondeur du substrat, l’état de dégradation… De la pinotière à la forêt sur cuirasses latéritiques en passant par les forêts sur sables blancs, la Guyane est une mosaïque d’habitats forestiers.

Forêt primaire ou forêt naturelle?

Les recherches archéologiques ont mis en évidence une occupation ancienne très dense de la forêt, de l’ordre de deux sites d’occupation humaine au kilomètre carré. Ces occupations humaines, à 90% amérindiennes, ont pu façonner la forêt pour répondre à leurs besoins, ce qui peut laisser penser que la forêt guyanaise a été, à un moment ou à un autre, modifiée par l’homme. Ces forêts ne seraient donc plus primaires au sens propre, c’est pourquoi il est préférable de parler de forêts naturelles.

Les savanes

Les savanes de Guyane désignent traditionnellement en créole “tout espace ouvert non forestier”, ce qui inclut à la fois les marais de Kaw et les inselbergs (savane-roches). La définition scientifique d’une savane concerne plutôt des “milieux herbacés pouvant parfois accueillir des arbres et des arbustes plus ou moins isolés” selon le GEPOG. C’est un milieu naturel très rare à l’échelle de la Guyane (0,3% du territoire) mais qui abrite 16% de sa biodiversité floristique, du fait de la mosaïque d’habitats qui compose les savanes.

Les savanes ont été façonnées à la fois par leur géologie et le climat mais également par l’Homme, qui a toujours habité et cultivé les savanes: champs surélevés amérindiens, petite habitation créole, pâturages, brûlages volontaires.. Certaines savanes ont co-évolué avec l’homme donc si certaines pratiques disparaissent, comme les feux à intervalle régulier, ces milieux disparaissent aussi.

Les savanes sont aujourd’hui particulièrement menacées de par leur localisation sur le littoral et sur le trajet de la route nationale 1, au carrefour des pressions urbanistiques, industrielles et agricoles, mais aussi par les espèces exotiques envahissantes.

L’Acacia Mangium et le Niaouli, des arbres exotiques introduits en Guyane notamment pour réhabiliter les sites miniers, ont envahi les savanes et les milieux ouverts, ce qui rend impossible la survie des espèces endémiques de savanes, pourtant menacées. L’Acacia Mangium et le Niaouli font l’objet de stratégies de gestion spécifiques élaborés par les acteurs du territoire avec le GEPOG pour limiter leur impact.

Qu’est-ce qu’une espèce exotique envahissante?

Selon le GEPOG, “une espèce exotique envahissante (EEE) est une espèce qui a été introduite hors de son aire de répartition naturelle et dont l’installation et la propagation constituent une menace pour les écosystèmes, les habitats naturels ou les espèces indigènes avec des conséquences environnementales, économiques ou sanitaires négatives.Cette introduction peut être volontaire ou involontaire.

Les espèces exotiques envahissantes, végétales ou animales, représentent un risque pour le maintien de la biodiversité locale : elles accaparent les ressources des espèces locales (espace, ressources alimentaires, lumière..), peuvent être prédatrices des espèces locales, être vectrices de maladies…

La disparition des espèces et des habitats locaux représentent à la fois un risque pour l’environnement mais aussi pour toutes les activités humaines qui en dépendent, comme l’agriculture, le tourisme, la navigation, la pêche, et pour les aménagements. A l’échelle mondiale, on estime qu’elles ont contribué à près de 50% des extinctions connues et qu’elles sont un danger pour un tiers des espèces terrestres.

Pour lutter contre ce fléau, les espèces exotiques envahissantes sont interdites (selon les espèces) à l’importation, au transport, à la commercialisation, à la détention… Il existe des listes d’espèces territorialisées.

En Guyane, la liste des espèces végétales a été adoptée par arrêté le 1er avril 2019 et celle des espèces animales le 28 novembre 2019. Si vous détenez une de ces espèces, l’Office Français de la Biodiversité vous indique la marche à suivre dans ce document.

Des stratégies de lutte locales sont mises en œuvre pour certaines espèces particulièrement invasives, c’est le cas en Guyane pour l’Acacia Mangium et le Niaouli.

Les zones humides

La Guyane comporte de nombreuses zones humides, qui constituent un patrimoine naturel unique de par sa biodiversité et ses fonctions : filtration et épuration de l’eau, zone tampon en cas d’inondation, stockage de carbone… Elles sont à ce titre considérées comme “vitales pour la survie de l’humanité.[…] Les zones humides sont indispensables pour les avantages infinis ou « services écosystémiques » qu’elles procurent à l’humanité, de l’apport d’eau douce à l’alimentation et aux matériaux de construction en passant par la biodiversité, la maîtrise des crues, la recharge des nappes souterraines et l’atténuation des changements climatiques”, comme l’on peut le lire sur le site de la convention de Ramsar sur les zones humides de 1971.

Le patrimoine naturel que constituent les zones humides de la Guyane est même reconnu à l’échelle internationale : les marais de Kaw, l’estuaire du Sinnamary et la Basse Mana sont considérées comme des zones humides d’importance internationale au titre de la convention de Ramsar.

Un territoire non épargné par le changement climatique

Le changement climatique, causé par les activités anthropiques, touche toute la planète et la Guyane ne sera pas épargnée. L’augmentation de la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère a de multiples conséquences:

  • Elévation moyenne des températures,
  • Elévation du niveau de la mer,
  • Intensification des phénomènes météorologiques comme les inondations et les sécheresses..

En Guyane, Météo-France a observé une augmentation des températures moyennes de 1,36°C entre 1955 et 2009. A titre de comparaison, les températures moyennes mondiales ont augmenté de 1,2°C depuis le début de l’ère industrielle. Cette augmentation est principalement due au rejet de gaz à effet de serre issus de la combustion d’énergies fossiles, mais également par d’autres émissions de carbone comme les changements d’affectation des sol, qui sont les principales causes de rejet de carbone en Guyane.

La combustion d’un hectare de forêt émet à peu près autant de gaz à effet de serre qu’un vol transatlantique Cayenne-Paris. Maîtriser et optimiser l’usage du foncier, tout en permettant à la Guyane de se développer, est le principal levier de limitation de la contribution du territoire au changement climatique”, selon l’ADEME Guyane.

Les conséquences du changement climatique sont multiples en Guyane :

  1. L’élévation du niveau de la mer, qui en Guyane dépasse les 5 centimètres entre 1993 et 2011, et qui devrait atteindre entre 46 cm et plus de 2 mètres en 2100. Cela a pour conséquence l’augmentation du risque d’inondation par submersion marine, l’intensification de l’érosion et le recul du trait de côte, ce qui est particulièrement problématique en Guyane où 2 guyanais sur 3 vivent sur le littoral: dorénavant, 1 guyanais sur 12 est concerné par le risque de submersion marine et certaines zones sont à risque de submersion chronique.
  2. L’intensification des phénomènes météorologiques intenses comme les précipitations, ce qui peut provoquer des inondations: 1 guyanais sur 6 est aujourd’hui concerné par le risque d’inondation par débordement cours d’eau.
  3. Le déplacement de la Zone de Convergence Inter Tropicale (ZCIT) vers le Sud pendant le XXIe siècle pourrait assécher le climat guyanais.
  4. Les températures plus élevées le jour et la nuit peuvent être dangereuses pour les personnes les plus fragiles et pour les espèces animales, qui peuvent migrer dans la mesure du possible, créant ainsi des déséquilibres dans les écosystèmes.
Illustration du Plan de Gestion des Risques d’Inondation de Guyane

Ces risques supplémentaires imposent de penser les aménagements dans une démarche d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, pour éviter des catastrophes humaines. Cette démarche doit s’accompagner d’une politique de préservation de la biodiversité car ces éléments rétroagissent l’un sur l’autre, le GIEC et l’IPBES rappellant qu’une action contre le changement climatique sans prendre en compte la biodiversité serait vouée à l’échec.

Lors du Congrès mondial de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) de 2021, les représentants des peuples autochtones ont fait adopter une motion sur la protection de 80% de l’Amazonie d’ici à 2025 pour éviter d’atteindre un point de non retour.

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