L’énergie en Guyane
Les enjeux de la production et de la consommation d’énergie en Guyane répondent à des problématiques à la fois locales – comme sa riche biodiversité, ses ressources et risques naturels et son absence d’interconnexion avec d’autres réseaux électriques – nationales et internationales, comme la nécessité de la transition énergétique et l’adaptation et l’atténuation du changement climatique.
La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)
Pour fixer la politique énergétique du territoire et organiser le service public de l’énergie, les zones non-interconnectées comme la Guyane ont leur propre Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ce document programmatique a été créé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) du 17 août 2015 et est rédigée dans les zones non-interconnectées par les services de l’Etat et la collectivité territoriale/régionale/départementale locale. Les PPE succèdent aux Programmations pluriannuelles des investissements, qui concernaient la production électrique et les infrastructures de chaleur et de gaz.
La PPE de Guyane a été adoptée par décret le 30 mars 2017, au milieu des mouvements sociaux de 2017 et sans enquête publique, pour la période 2017-2023. Elle dispose notamment:
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- Les objectifs de maîtrise de la demande en énergie, par des mesures de sobriété et d’efficacité énergétique (isolation, éco-conception, équipements plus économes…)
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- Le développement des énergies renouvelables
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- La sécurité de l’approvisionnement, notamment par le remplacement de la centrale vieillissante de Dégrad-des-Cannes et l’approvisionnement en biomasse
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- L’accès à l’électricité, en particulier dans les écarts
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- La planification d’études sur l’énergie en Guyane
La PPE a fait l’objet d’une modification simplifiée par décret le 27 août 2021 pour permettre la conversion de la centrale du Larivot, qui remplacera la centrale de Dégrad-des-Cannes, aux agrocarburants et prévoir le plan d’approvisionnement correspondant.
La PPE 2023-2028, en cours d’élaboration, actualisera ces enjeux et objectifs et mettra plus l’accent sur la transition énergétique des mobilités, qui représentent les deux tiers de la consommation énergétique du territoire guyanais. La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) prévoit l’atteinte de l’autonomie énergétique des départements d’outre-mer à horizon 2030, ce qui implique de prévoir dès maintenant les aménagements nécessaires à l’atteinte de cet objectif.
Les réseaux électriques en Guyane
Du fait de l’éloignement de certains bassins de population, il n’y a pas un mais plusieurs réseaux électriques en Guyane:
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- Le réseau littoral, qui relie la majorité des communes littorales de Roura à Apatou et qui représente la majorité de la consommation électrique du territoire. C’est sur le réseau littoral que l’on retrouve la plus grande diversité en termes d’énergies renouvelables.
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- Les sites isolés ont chacun un réseau électrique propre, non raccordé au littoral : c’est le cas des bourgs des communes comme celui de Maripasoula, Grand-Santi ou Camopi, ainsi que de certains écarts et villages (Kaw, Taluen-Twenké, Apagui…). Ces réseaux sont pour la majorité alimentés par des groupes électrogènes diesel, dont le coût de transport du carburant est très important, et par des installations photovoltaïques qui posent la question de la maintenance. Saint-Georges de l’Oyapock fait figure d’exception, avec une production 100% renouvelable biomasse bois – hydraulique – stockage.
Le réseau littoral, qui ne comporte qu’une ligne haute tension entre Saint-Laurent du Maroni et le poste source Etoile de Sinnamary et qui est en majorité aérien, peut être fragile et sensible aux avaries. De fait, les coupures d’électricité sont en majorité causées par des incidents de réseau et non de production.
Le mix énergétique du littoral de la Guyane
Sur le littoral, la majorité de la production d’électricité annuelle (autour de 950 GWh) est assurée par le barrage hydraulique de Petit-Saut, autour de 60% par an, ce qui fait de la Guyane le premier département d’outre-mer sur l’atteinte des objectifs de production d’énergie renouvelable. Environ 10% de la production annuelle est assurée par les filières biomasse et photovoltaïque, le reste de la production est réalisé par les centrales et turbines à combustion de Dégrad-des-Cannes et Kourou.
Pour arriver à 100% de production d’énergies renouvelables en 2030, il faut donc parvenir à remplacer les moyens de production thermiques fossiles par des moyens de production d’énergie renouvelables. Ces installations devront être adaptées aux caractéristiques et ressources du territoire ainsi qu’aux évolutions de la demande en électricité, sachant que les mesures de maîtrise de la demande en énergie compensent en partie la hausse de la demande induite par la croissance démographique et l’augmentation de l’équipement des ménages. La production d’électricité doit également s’adapter aux variations de la demande, en particulier les pics de consommation journaliers du midi et du soir et saisonniers de la saison sèche.
En savoir plus : mégawatt, gigawatt-heure: de quoi parle-t-on
L’énergie, exprimée en kiloWatt-heure (kWh), MégaWatt-heure (MWh) et GigaWatt-heure (GWh), correspond à la puissance délivrée pendant une certaine durée, généralement exprimée en heures.
Ainsi, une installation de production d’énergie produira pendant l’année une certaine quantité d’énergie exprimée en Wh, ce qui correspondra à sa puissance multipliée par le nombre d’heures de fonctionnement équivalent à pleine puissance. En fonction de l’intermittence de la source d’énergie, les installations de production d’électricité produiront plus ou moins d’énergie sur une année.
Pour les installations photovoltaiques, “le Watt-crête (Wc) est l’unité de puissance d’un panneau photovoltaïque, c’est la valeur de la puissance maximale que peut délivrer un panneau dans les conditions optimales d’ensoleillement et d’orientation”, explique EDF-Renouvelables.
Par exemple, un parc photovoltaïque d’une puissance de 5 MWc qui fonctionne à pleine puissance pendant 1000 heures pendant une année aura produit 5000 MWh.
Les énergies fossiles
La principale installation de production d’énergie thermique fossile de Guyane est la centrale au fioul lourd EDF de Dégrad-des-Cannes à Rémire-Montjoly. Cette centrale thermique, construite sur le même modèle que les autres centrales EDF des départements d’outre-mer, a été mise en service entre 1982 et 1987 pour fonctionner en base. Elle comporte 9 moteurs de 8 MW chacun, dont deux ont été mis définitivement à l’arrêt (G1 et G8), ce qui lui donne une puissance résiduelle de 42,7 MW.
Les performances de la centrale ont été historiquement inférieures à ce qui était attendu (70% au lieu de 90%) et de nombreuses opérations de maintenance ont dû être menées, notamment pour réparer des fuites de carburant. En plus de sa faible disponibilité, la centrale allait dépasser les seuils de rejet d’oxyde d’azote (NOx), ce qui empêchait son utilisation au-delà de 2023. La centrale du Larivot ne sera pas prête pour prendre le relai au 1er janvier 2024 donc EDF va réaliser une mise à jour réglementaire sur le respect de ces seuils.
Les moyens de production d’énergie thermique fossile comptent également quatre turbines à combustion, deux à Dégrad-des-Cannes (installées en 1991 et 2017, de 20 MW chacune) et deux à Kourou (une fixe depuis 1993 et une mobile depuis 2014, de 20 MW chacune). Ce sont des moyens de production d’électricité consommateurs de fioul et qui doivent être utilisées comme moyens de production de secours pour pallier aux baisses conjoncturelles de production. La turbine à combustion mobile de Kourou a d’ailleurs été mise en place pour supporter les opérations de maintenance sur le barrage de Petit-Saut qui nécessitaient l’arrêt de chaque turbine pendant six mois à chaque fois.
En plus de ces moyens de production, EDF a installé des groupes électrogène de 14 MW en 2018 puis 14 MW supplémentaires en 2020 pour pallier à l’arrêt des deux moteurs arrêtés de la centrale et assurer la production pendant les opérations de maintenance. A l’autre bout du réseau littoral, EDF a installé un parc thermique de groupes fioul à Saint-Laurent du Maroni pour une puissance totale de 16 MW.
L’hydraulique
Le barrage EDF de Petit-Saut, sur le fleuve Sinnamary, est le principal moyen de production d’énergie hydraulique de Guyane. Il a été mis en service en 1995 après sa mise en eau pendant l’année 1994, pour répondre à l’augmentation des besoins électriques du territoire, notamment en raison de certaines installations énergivores comme le Centre spatial guyanais (qui dispose depuis de moyens de secours d’environ 36 MW) et les infrastructures audiovisuelles.
Il comporte 4 turbines et a une puissance totale installée de 114 MW, ce qui lui permet de produire en moyenne 460 GWh par an, en tenant compte des variations saisonnières de pluviométrie. La puissance délivrée dépend de la hauteur de chute de l’eau et donc de la hauteur de remplissage du barrage (entre 75 MW et 110 MW).
Bien que le barrage permette de produire une énergie renouvelable, ce dernier n’est pas neutre en carbone : le relief réduit de la Guyane a entraîné d’ennoiement d’une très grande surface (365 km²) de forêt qui contenait beaucoup de biomasse. L’ennoiement a créé un pic d’émissions de méthane et autres gaz à effet de serre, ce qui fait que le barrage aura émis moins d’équivalent CO2 qu’une centrale à charbon au bout de 44 ans et qu’une centrale au fioul au bout de 73 ans.
Il existe aujourd’hui deux autres centrales hydrauliques, cette fois-ci au fil de l’eau, qui entraînent un ennoiement moins important : la centrale de Saut Maman Valentin de Voltalia à Mana (4,5 MW) et la centrale d’EDF de Saut-Maripa à Saint-Georges de l’Oyapock (1,1 MW), non raccordée au réseau littoral. Ces barrages ont également une production qui varie en fonction de la saisonnalité.
Le photovoltaïque
Le réseau d’unités de production d’énergie photovoltaïque est réparti sur tout le littoral, des installations d’auto-consommation à de grands parcs photovoltaïques au sol. Parmi les principaux parcs installés, on peut citer :
- La centrale de Montjoly de 2,2 MWc avec stockage de TotalEnergies
- La centrale de la Savane des pères à Sinnamary de 3,8 MWc avec stockage de Voltalia
- La centrale de Kourou de 11,5 MWc et de Matoury de 4 MWc d’Albioma
- Les centrales Toucan 1 et 2 à Montsinéry-Tonnégrande de 9 MWc avec stockage d’EDF Renouvelables
Ces installations permettent d’alimenter le réseau de manière plus ou moins régulière, en fonction des conditions d’ensoleillement et de l’éventuelle présence de stockage.
Les installations de stockage permettent d’emmagasiner un surplus d’énergie produit dans la journée pour lisser les variations de production et réinjecter le soir sur le réseau et de participer à la fourniture d’énergie lors de la pointe de consommation du soir. Ces unités de stockage peuvent être couplées aux centrales photovoltaïques ou être installées de manière indépendante sur le réseau (batteries lithium de Voltalia de 5 MW pour l’arbitrage et 5 MW pour la réserve, mises en service en 2020 à Mana).
Les installations photovoltaïques doivent être adaptées au contexte climatique guyanais, aux variations d’ensoleillement et au développement accentué de mousses et d’algues, ce qui suppose une maintenance régulière.
De nombreux autres projets de centrales sont en cours d’instruction et de construction, parmi eux les parcs photovoltaïques hybrides Sainte Anne de Voltalia à Mana (45 MWc + batterie et groupes thermiques), et la centrale agrivoltaïque d’Organabo d’Albioma à Mana (60 MWc + groupes thermiques). Certains font l’objet de contentieux, comme le projet de Centrale Électrique de l’Ouest Guyanais (CEOG) de Hydrogène de France (55 MWc + stockage hydrogène de 10,5 MW).
La biomasse
Aujourd’hui, deux centrales biomasse sont en activité sur le littoral guyanais:
- La centrale biomasse de Kourou, mise en service en 2010 et opérée par Voltalia (1,7 MW)
- La centrale biomasse de Cacao, mise en service en 2021 et opérée par Voltalia (5,1 MW)
Ces centrales sont alimentées avec des déchets de l’exploitation forestière de bois d’œuvre et du sciage de ces bois en scierie, ce qui permet de valoriser ces déchets et de consolider la filière bois.
De nombreux autres projets de centrales biomasse sont en cours d’instruction et de construction, parmi eux la centrale biomasse de Montsinéry d’Idex (5,3 MW) et la centrale adossée au projet Triton de récupération des bois ennoyés de Petit-Saut de Voltalia à Sinnamary (10,6 MW). La centrale de valorisation du biogaz issu de la décharge des Maringouins à Cayenne est en construction (1,1 MW), cette installation permettra de mieux valoriser le méthane naturellement produit par les déchets qui est pour l’instant brûlé en torchère pour réduire son potentiel d’effet de serre en le transformant en dioxyde de carbone.
Il existe plusieurs projets de centrale fonctionnant à la biomasse liquide (agrocarburants de type biodiesel, réalisé à partir de cultures d’oléagineux), de petite dimension comme la nouvelle centrale de Maripasoula ou de grande dimension comme la centrale du Larivot.
Ressources
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- Code de l’énergie et décrets sur Légifrance
- Programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE), Ministère de la Transition Écologique, 15 mai 2023
- Réseaux électriques et planification, ADEME, consulté le 18 juillet 2023
- Énergies renouvelables, ADEME, consulté le 18 juillet 2023
- Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande littoral et sites isolés, EDF Guyane, 2022
- Nos moyens de production électrique en Guyane, EDF Guyane, consulté le 18 juillet 2023
- Schéma de raccordement au réseau des énergies renouvelables de la Guyane, EDF, 2020
- Opendata d’EDF Guyane, EDF Guyane, consulté le 18 juillet 2023
- Rapport sur la mission de la Commission de régulation de l’énergie en Guyane, Commission de régulation de l’énergie (CRE), 6 février 2017
- Lexique, EDF ENR, consulté le 19 juillet 2023
- Émissions de gaz à effet de serre: retour d’expérience après 20 ans d’études à Petit-Saut, Dominique Serça, Frédéric Guérin, Corinne Galy-Lacaux, Sandrine Richard, 2014
- Quels sont les différents types de réseaux électriques?, Enedis, consulté le 20 juillet 2023