Les impacts des concessions minières: Montagne d’or, Boulanger, Auplata

Pour exploiter un gisement, en-dehors du cas dérogatoire des autorisations d’exploitation minière de Guyane (AEX), le code minier dispose qu’un exploitant doit être en possession d’un titre minier valide et d’une autorisation ou déclaration d’ouverture de travaux miniers valide. Pour l’exploitation, le titre le plus couramment utilisé est la concession minière, du fait de son existence historique dans le droit minier. Si les concessions étaient auparavant octroyées pour une durée illimitée, ce n’est plus le cas depuis la loi de 1977 qui leur a donné une durée maximale de 50 ans. La loi de 1994 a donné une fin aux concessions perpétuelles au 31 décembre 2018, ce qui a donné lieu à des demandes de prolongation de 17 concessions historiques en Guyane, parmi elles les concessions Montagne d’or, Boulanger et Auplata.

L’impasse du rejet des concessions Montagne d’or sous l’ancien code minier

Concessions Montagne d’or – Camino

Le 31 décembre 2018, les concessions minières Boeuf-Mort et Elysée de la Compagnie minière Montagne d’Or sont arrivées à expiration. La validité de ces concessions est indispensable à la mise en place du projet d’extraction d’or primaire et de traitement par cyanuration envisagé par la société et qui avait fait l’objet d’un débat public en 2018.

La société a sollicité leur prolongation mais le Ministère de l’Économie a rejeté implicitement cette demande par l’expiration du délai réglementaire d’instruction de deux ans. La société a contesté cette décision de rejet devant le Tribunal administratif de la Guyane. Par la suite, GNE a décidé de se porter intervenante volontaire à l’audience en soutien à l’État afin d’espérer une confirmation de cette décision par le juge. L’intervention volontaire de GNE avait été acceptée par le juge en raison des incidences sur l’environnement de cette décision et des intérêts défendus dans les statuts de l’association. L’association a ainsi pu mettre en avant les effets néfastes d’une telle décision sur l’environnement et les mauvaises pratiques de l’entreprise en la matière.

Communiqué de la Cour administrative d’appel de Bordeaux

Le 24 décembre 2020, le juge a néanmoins décidé d’annuler cette décision de rejet et a enjoint l’État de renouveler dans les six mois les concessions Montagne d’Or, tout en soulignant la faiblesse de l’argumentation de l’État dans ce dossier et leur absence à l’audience. L’appel de l’État a été jugé et rejeté le 16 juillet 2021 par la Cour administrative d’Appel de Bordeaux. GNE n’était pas intervenue lors de cette instance car ayant reçu l’information trop tard pour produire des écritures, FNE avait pris la même décision. Malgré la volonté politique affichée de mettre fin au projet, l’Etat se retrouve donc pieds et poings liés car il n’a pas réformé ce droit, notamment pour pouvoir prendre en compte l’environnement lors de la prolongation d’une concession minière, malgré plusieurs annonces depuis plus de 10 ans.

La loi Climat qui vient d’être promulguée a réformé certaines lacunes, mais elle n’aura aucun effet sur ce projet destructeur pour la Guyane. Contrairement à ce que prétend la communication gouvernementale : le texte de la loi précise que les nouvelles dispositions ne s’appliquent qu’aux litiges nés après l’adoption de la loi…

L’Etat a alors formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, qui a conclu à l’annulation des décisions précédentes (voir ci-après). Ce contentieux ne reflète qu’un peu plus l’importance de la réforme du code minier afin de renforcer les dispositions environnementales dans la réglementation minière.

L’action citoyenne pour le respect de la Charte de l’environnement

Partant de ce constat, France Nature Environnement a décidé avec l’appui technique de Guyane Nature Environnement de mettre en lumière que les dispositions du code minier ne permettent pas une prise en compte suffisante de l’environnement lors de la prolongation de concessions minières historiques. Pour cela, il fallait montrer à l’occasion d’un autre contentieux que les dispositions du code minier qui organisaient la prolongation des concessions minières Montagne d’or n’étaient pas conformes à la Charte de l’environnement, qui fait partie de la Constitution française.

Concessions Boulanger – Camino

Les 4 concessions de la Compagnie Minière de Boulanger, qui encerclent la principale zone de production agricole de Guyane, le village de Cacao, ont été prolongées le 7 juin 2021: France Nature Environnement a contesté ces décisions devant le Conseil d’Etat en posant une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Cette QPC portait sur l’incompatibilité du code minier avec la Charte de l’environnement, car les dispositions attaquées ne permettaient pas de refuser un titre minier pour des raisons environnementales. Cette QPC a été transmise au Conseil Constitutionnel le 3 décembre 2021 et Guyane Nature Environnement est intervenue aux côtés de France Nature Environnement dans ce contentieux pour montrer l’impact désastreux que peut avoir la prolongation des concessions minières sur l’environnement.

Article Les Echos du 18 février 2022

A la suite de l’audience du 8 février 2022, le Conseil constitutionnel a reconnu le 18 février 2022 l’inconstitutionnalité des dispositions du code minier qui ne permettaient pas de refuser un titre minier pour des raisons environnementales. Les nouvelles dispositions votées dans le cadre de la réforme du code minier sont quant à elles constitutionnelles car elles permettent cette éventualité.

Prenant acte de la réponse du Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat a le 28 juillet 2022 annulé les décrets de prolongations des 4 concessions de la Compagnie minière de Boulanger de 38,42 km², pour défaut de base légale.

Cette décision historique est de nature à justifier le refus du projet Montagne d’or, alors que le gouvernement peinait depuis plusieurs années à s’y opposer concrètement, car le renouvellement des concessions Montagne d’or a été instruit sous les mêmes dispositions que celui des concessions Boulanger.

Un point final aux concessions Montagne d’or?

Sur le pourvoi de l’Etat sur les concessions Montagne d’or, le Conseil d’Etat a finalement conclu le 19 octobre 2023 à l’annulation des décisions du Tribunal administratif de la Guyane et de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui enjoignaient à la prolongation des concessions. Le contentieux ne s’arrête néanmoins pas là, le Conseil d’Etat renvoyant l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux autrement composée pour apprécier sur le fond l’impact environnemental de la prolongation des concessions.

Faire appliquer dans les faits la réforme du code minier

Concessions Auplata – Camino

Les trois concessions de la société Auplata sur le site de Dieu-Merci ont été prolongées par trois décrets du 25 avril 2022 publiés au Journal Officiel de la République Française, sous l’empire de la réforme du code minier qui impose l’examen des impacts environnementaux des projets miniers.

Guyane Nature Environnement accompagnée de France Nature Environnement a contesté devant le Conseil d’Etat la prolongation de ces trois concessions, considérant que les risques et les impacts environnementaux que représentent ces prolongations auraient dû conduire à un refus de prolongation en l’état. En effet, la gestion désastreuse du site de Dieu-Merci et les enjeux environnementaux en présence font peser un fort risque d’atteinte de l’environnement sur ce projet.

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