Or: Action en justice contre l’ouverture de la première usine de cyanuration en Guyane

Exploitation sans autorisation, non-respect des prescriptions environnementales… depuis 2007, les installations d’Auplata situées à Dieu-Merci, en Guyane, enchaînent les non-conformités. Pourtant, par des régularisations successives, le Préfet de Guyane a, coup après coup, permis à Auplata d’exploiter son site. Il vient désormais de donner son aval à la société pour traiter son or au cyanure… Face aux problèmes récurrents observés sur le site et au danger que représente la mise en service de cette usine, les associations France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement saisissent le Tribunal administratif de Cayenne.

Le démarrage d’une usine sur fond d’irrégularités approuvé par la Préfecture de Guyane

Site de Dieu-Merci d’Auplata à Saint-Elie, image satellite de l’IGN, 6 septembre 2018

Tout commence en 2007 lorsque l’inspection des installations classées constate que la société extrait et traite illégalement par gravimétrie (procédé classique) des minerais d’or sur son site Dieu-Merci, en plein cœur de la forêt amazonienne. Au-delà du caractère illégal des installations, de nombreuses non-conformités liées aux normes environnementales et à la sûreté du site sont identifiées. Huit ans plus tard, après une période d’inertie et des sanctions financières, la société obtient en 2015 la régularisation administrative de son usine de traitement par gravimétrie. Par la même occasion, Auplata obtient l’autorisation de construire une usine de cyanuration, et ainsi accéder à la technique d’extraction à échelle industrielle.

Or, peu avant le démarrage de la phase test prévue en septembre 2018, les services de l’Etat constatent à nouveau des non-conformités : des importantes modifications par rapport au projet initial, avec notamment un design de l’usine très différent de celui prévu par l’arrêté de 2015. Malgré cela, la préfecture avalise en novembre 2019 ce dangereux projet en conditionnant le démarrage de l’usine à de simples prescriptions complémentaires, tout en autorisant une augmentation significative des quantités de cyanure stockées.

C’est ainsi que 13 ans après le constat de son exploitation illégale, la société Auplata, cotée en bourse, a fièrement annoncé le lancement dès 2020 de la première usine de cyanuration sur le sol guyanais. Par ailleurs, la société a pu obtenir en mai dernier un crédit d’impôt du gouvernement de 5,8 millions d’euros.

Un procédé dangereux dans des milieux très sensibles, pour quelques kilos d’or

Le cyanure est utilisé dans l’industrie aurifère malgré ses effets potentiellement catastrophiques et irréversibles sur l’environnement. C’est un composé chimique extrêmement toxique à tous ses stades de manipulation (transport, stockage, utilisation). Rejeté dans le milieu naturel, il provoque instantanément l’asphyxie des organismes vivants ainsi qu’un violent déséquilibre des écosystèmes. Cette technologie a d’ailleurs manqué d’être interdite dans l’industrie aurifère, d’abord par une résolution votée par le Parlement européen en 2010, puis une proposition de résolution à l’Assemblée Nationale en 2018 et une proposition de loi en 2019 au Sénat.

Le site de Dieu-Merci se trouve à 5 kilomètres en amont de la Réserve Naturelle Nationale de la Trinité, 3ème plus grande réserve naturelle terrestre de France. Plusieurs espèces animales et végétales remarquables ont d’ailleurs été répertoriées sur ce secteur. Avec les effets du changement climatique qui amplifient l’intensité et la fréquence des épisodes pluvieux, le risque de rupture de digue est fort en Guyane. Une catastrophe sur l’usine d’Auplata aurait des conséquences désastreuses pour ces milieux.

« Lorsque l’on sait que depuis 25 ans, une trentaine d’accidents liés aux résidus cyanurés ont été répertoriés, notamment chez notre voisin brésilien, et que ce même procédé a fait l’objet de vives oppositions lors du débat public de Montagne d’Or, il est incompréhensible que la Préfecture de Guyane autorise le démarrage de cette industrialisation dans de telles conditions, mettant à risque les milieux naturels et la santé des populations » s’indigne Manouchka Ponce, coordinatrice de Guyane Nature Environnement.   

Une action contentieuse pour mettre à l’arrêt ce projet destructeur

« L’enjeu est de taille : il s’agirait de la première usine de cyanuration sur le sol guyanais ! Laisser ce projet se maintenir malgré les défaillances récurrentes et les risques environnementaux, c’est laisser la porte ouverte à l’industrie minière en Guyane en dépit des exigences environnementales. En effet, ce projet est observé de près par les multinationales qui investissent sur le territoire, comme les promoteurs du projet Montagne d’Or ou de celui d’Espérance, et qui envisagent l’utilisation de ce même procédé », explique Ginette Vastel, pilote du réseau Risques et Impact Industriels de France Nature Environnement.

Face à ce risque imminent pour les écosystèmes amazoniens, Guyane Nature Environnement et France Nature Environnement contestent devant le juge administratif la légalité de l’autorisation de 2015 et de l’arrêté complémentaire de 2019. Nos associations entendent ainsi obtenir la mise à l’arrêt de ce projet destructeur et peser dans les discussions autour de l’interdiction pure et simple du procédé de cyanuration dans l’hexagone et en Outre-mer.

Pour aller plus loin

Défense de l’Amazonie : à quand un moratoire sur les permis miniers en Guyane ? (septembre 2019)

Exploitation minière : interdisons l’utilisation du cyanure (septembre 2018)

La Montagne d’Or en Guyane : un gouffre environnemental et financier

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