Aujourd’hui, le Conseil d’Etat a jugé illégale la prolongation sans examen des impacts environnementaux des concessions de la société Montagne d’or à Saint Laurent du Maroni et Apatou. La question de la prolongation des concessions minières, première étape avant l’instruction de leur projet de méga-mine industrielle, avait déjà fait l’objet d’un refus implicite du gouvernement mais les juges avaient ensuite considéré que les concessions devaient être prolongées, en appliquant le code minier en vigueur. Retour sur ce revirement de jurisprudence rendu possible par la mobilisation citoyenne.
La réponse de la juridiction suprême pour la prise en compte de l’environnement
Cette décision porte sur la prolongation de deux concessions historiques de la compagnie Montagne d’or, Boeuf-Mort et Elysée, qui étaient arrivées à échéance le 31 décembre 2018. La prolongation de ces concessions minières est la première étape avant de pouvoir mettre en place le projet de méga-mine industrielle qui a fait l’objet d’une forte opposition des citoyens, notamment des peuples autochtones, lors du débat public en 2018. Pour mémoire, ce projet visait à créer une mine à ciel ouvert d’au moins 2,5 km de long sur 400m de large et plus d’une centaine de mètres de profondeur et à traiter le minerais au cyanure, en bordure de la Réserve Biologique Intégrale de Lucifer Dékou-Dékou, la plus grande de France. Les concessions se trouvent sur un site exceptionnel en termes de biodiversité, un corridor écologique recensant plus d’une centaine d’espèces remarquables et un tiers des espèces d’oiseaux présentes en Guyane. La déforestation engendrée, l’impact sur les cours d’eau et les risques industriels liés au cyanure, aux autres matières dangereuses, aux tirs de mine, à la rupture de digues et au lessivage des sols ne sont pas acceptables dans un environnement aussi exceptionnel.
Après avoir refusé implicitement la prolongation des concessions, l’Etat s’était faiblement défendu devant le Tribunal administratif de Cayenne, qui a considéré le refus de prolongation contraire au code minier. L’Etat avait fait appel de cette décision devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, qui avait conclu dans le même sens. L’Etat a de nouveau contesté cette décision devant le Conseil d’Etat, qui conclut aujourd’hui dans le même sens que sur un autre contentieux: celui des concessions Boulanger, près de Cacao. Ce contentieux, formé par France Nature Environnement, visait à interroger la conformité à la Constitution du code minier, en ce qu’il n’imposait pas l’évaluation de l’impact environnemental des prolongations de titres miniers. Dans une décision historique du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel avait finalement jugé que l’article du code minier qui portait sur la prolongation des concessions était inconstitutionnel. Cet article du code minier en cause était la même base légale que pour les concessions Montagne d’or: les juges ont ainsi conclu à la nécessité d’examiner les impacts environnementaux de la prolongation des concessions en annulant la décision précédente et en renvoyant l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux.
Une décision de l’Etat sauvée par la mobilisation citoyenne pour la protection de l’environnement
Dans sa décision, le Conseil d’Etat a admis l’intervention de France Nature Environnement, le réseau associatif à l’origine de la décision sur les concessions Boulanger qui donnait la clé du contentieux Montagne d’or. Appuyée par Guyane Nature Environnement, la fédération nationale a toujours agi pour un respect des avis citoyens ainsi que des principes du droit français et européen de l’environnement, qui protègent la biodiversité et imposent l’évaluation de l’impact des projets avant leur autorisation. L’action citoyenne a permis de rattraper le retard sur la prise en compte de l’environnement dans la prolongation des concessions minières, qui n’avait été imposée qu’à partir de 2021 dans la loi Climat et résilience.
“Cette décision met un point final à l’absence de prise en compte de l’environnement dans le projet Montagne d’or, grâce à la mobilisation citoyenne qui a permis de justifier le refus de l’Etat de prolonger les concessions. C’est une excellente nouvelle historique pour la biodiversité guyanaise et on espère que cela appellera à une grande vigilance sur les futurs projets miniers.” résume Matthieu Barthas, président de Guyane Nature Environnement.