L’enquête publique sur la demande d’autorisation d’ouverture de travaux par la société TOTAL pour un forage pétrolier sur la zone de Nasua s’est achevée le 23 août dernier. Suite à cette enquête publique expédiée et une étude d’impact incomplète, la fédération Guyane Nature Environnement alerte sur l’installation d’un tel projet au large des côtes guyanaises.
Pour rappel, un forage exploratoire a pour but de trouver des gisements suffisants pour commencer les forages d’exploitation. Ces activités peuvent ensuite se poursuivre pendant 25 ans, voire le double en cas de prolongation. Pourtant, une loi votée en 2017 est censée mettre fin à l’exploitation d’hydrocarbures en mer territoriale française en 2040. Ici, le délai serait nettement dépassé en cas d’autorisation.
Ces forages, à une profondeur proche de 2 000 mètres, n’impliqueraient pas des « équipements industriels » (1) selon TOTAL. D’un point de vue réglementaire, cette seule nuance justifie ici l’absence d’organisation d’un débat public. Mais ces installations pétrolières non-conventionnelles en offshore profond ne peuvent être considérées comme « artisanales » ou « traditionnelles ». En effet, les forts courants marins et la profondeur compliquent sérieusement les conditions opérationnelles.
Dans des conditions océanographiques comparables, la catastrophe de DeepWater Horizon (2) en 2010 avait déversé 780 millions de litres de pétrole en mer. Il avait fallu ensuite plusieurs mois pour stopper la fuite de pétrole. Rappelons que TOTAL prévoit quatre autres « forages d’appréciation » supplémentaires si le premier « forage exploratoire » s’avère fructueux d’ici le 1er juin 2019, ce qui ne fera que multiplier le risque d’accident. Le dossier présenté par TOTAL n’offre alors aucune garantie sérieuse pour faire face à de telles catastrophes.
Les grands cétacés (cachalots) et les tortues utilisent les forts courants marins qui longent les côtes de la Guyane. Cependant, l’étude d’impact de TOTAL n’intègre pas cet aspect. De plus, des structures récifales ont récemment été observées sur la zone lors de l’expédition de Greenpeace en mai 2018. Aucune mention n’est faite à ce propos dans ce dossier. De même, l’activité pétrolière représente une menace non négligeable pour la ressource halieutique, alors que la pêche représente un des principaux secteurs économiques durables de Guyane. En fin de compte, l’état actuel des connaissances rend impossible une bonne appréciation des risques et des impacts sur la biodiversité et l’économie locale.
Non seulement un réel débat public n’a pas été mis en place en Guyane, mais les territoires de la zone concernée par le risque de marée noire (Surinam, Guyana, Trinidad-et-Tobago, petites Antilles, dont Antilles françaises) n’ont pas non plus été prévenus ou consultés. Les modèles courantologiques de la zone montrent pourtant qu’en cas de marée noire, la pollution aux hydrocarbures pourrait atteindre ces côtes. Dès lors, rien n’est précisé quant à la gestion des impacts transfrontaliers. La programmation de cette enquête publique en pleine saison estivale n’a pas pu permettre une bonne information du public.
Alors que son voisin brésilien vient de retoquer le projet de TOTAL, notamment en raison de l’impact du forage à l’embouchure de l’Amazone (3), la France autoriserait des installations similaires dans ses eaux territoriales ? Pour ces différentes raisons, la fédération GNE a rendu un avis défavorable aux commissaires enquêteurs concernant le projet de forage exploratoire de TOTAL.
(1) P.4 Mémoire en Réponse de Total E&P Guyane Française à l’Avis de l’Autorité environnementale du 30 mai 2018
(2) Marée noire: retour sur une catastrophe écologique hors norme, Le Monde, 15 juin 2010