Le rapport des commissaires enquêteurs sur l’enquête publique TOTAL vient d’être publié. 7 183 avis ont été déposés (un taux de participation jamais atteint auparavant en Guyane), dont seulement deux favorables au projet. Pourtant, la commission d’enquête s’appuie uniquement sur les remarques du groupe pétrolier pour rendre un avis favorable et ne prend pas sérieusement en compte les observations du public.
Les principales problématiques soulevées lors de cette consultation sont : une enquête publique en période estivale, un risque pour la biodiversité marine et les structures récifales coralliennes, le contexte hautement accidentogène (courants, profondeur), le risque de dérives d’hydrocarbures vers les Antilles, le manque de préparation en cas d’accidents… et un projet en totale contradiction avec l’esprit de la COP21 et de la Loi Hulot 2017.
Pour rappel, une enquête publique permet à l’autorité publique de prendre une décision en toute connaissance de cause. Or, la commission d’enquête se base uniquement sur les observations de la Société TE&PGF car celles-ci sont à ses yeux « complètes et argumentées ». Elle ne cherche pas à approfondir et le justifie en prétextant que ces explications sont « d’une technicité de spécialiste du pétrole » (1).
Les conditions opérationnelles extrêmes ont souvent été évoquées dans les différents avis. Cependant, « Total E&P Guyane considère que ni le public ni l’Autorité environnementale ne soulignent de faiblesse du dossier d’analyse des risques » (2). La commission ne relève aucun élément douteux. Elle se contente de répondre : « n’étant pas des spécialistes des fuites d’hydrocarbures, les membres de la commission d’enquête ne peuvent qu’accepter cette réponse de TE&PGF » (3).
La loi prévoit pourtant qu’un expert indépendant peut être désigné afin d’assister les commissaires enquêteurs dans la compréhension des rapports (4). Visiblement, il n’a pas été jugé utile de solliciter cette aide en dépit des importants enjeux socio-économiques et environnementaux de ce dossier.
Malgré les 99,86% d’avis défavorables, la commission s’en remet aux seuls intérêts économiques pour donner son opinion. Elle suit l’avis favorable de la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) et du « monde économique », ici réduit au seul MEDEF Guyane.
Pour mémoire, il y a eu en 2017 une hausse de la redevance sur les gisements de pétrole au profit de la collectivité locale concernée. En février dernier, a été publié un décret (5) donnant compétence à la CTG en matière de titres miniers en mer de Guyane. La CTG, bénéficiaire de cette redevance, sera donc seule décisionnaire à la phase finale du projet…
L’ignorance des commissaires enquêteurs ne permet pas de se forger un avis éclairé sur ce dossier à risque. La fédération GNE regrette les limites de cette procédure puisque l’avis s’appuie uniquement sur des études rédigées et financées par le pétitionnaire dont l’objectivité ne peut pas être totalement garantie.
(2) Page 47 du rapport
(3) Page 25 du rapport
(4) Art. L 123-13 Code de l’environnement
(5) Décret n°2018-62 du 2 février 2018 portant application de l’article L. 611-33 du code minier