Lors de la dernière assemblée plénière de la mandature, la Collectivité territoriale de Guyane a acté le recours aux bioliquides de la future centrale du Larivot, ainsi que le remplacement de la centrale de Kourou par ce même projet. Ces modifications de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), bien que très importantes, n’ont pas été soumises au débat public ni à évaluation environnementale, en vertu de la procédure de “révision simplifiée”. Pour Guyane Nature Environnement, cette absence de concertation et de transparence, sur un sujet fondamental pour l’avenir de la collectivité, est un véritable passage en force aux impacts climatiques désastreux.
Le flou est total sur l’utilisation d’agrocarburants
Par un courrier envoyé par la Ministre de la transition écologique Barbara Pompili en date du 15 avril 2021, le gouvernement a proposé à la collectivité d’autoriser le démarrage de la centrale avec des “bioliquides”, en réalité des agrocarburants produits à partir de biomasse. Seulement, le texte voté n’interdit pas son fonctionnement aux énergies fossiles, le fioul et le gaz, donc il n’y a de fait aucune garantie que la centrale fonctionne un jour aux agrocarburants.
Si les bioliquides étaient effectivement utilisés pour remplacer les 84 000 à 140 000 tonnes de fioul à brûler chaque année, il faudrait en assurer la production, dont l’impact environnemental peut être très lourd. L’utilisation de l’huile de palme est interdite, le courrier ministériel mentionne que ces agrocarburants ne pourront pas être à base de soja. Cependant, les alternatives ne sont pas plus durables, entre l’importation d’huile de colza d’Europe en monoculture ou la production locale de carburant, au prix d’immenses défrichements de forêt amazonienne au détriment des terres dédiées à l’alimentation. De plus, une étude commandée en 2015 par la Commission européenne conclut que 1 litre de biodiesel émet 80 % d’émissions de gaz à effet de serre de plus qu’1 litre de diesel pur, donc l’empreinte carbone des agrocarburants pourrait même être plus lourde que celle du fioul. Mais là encore, le choix du combustible n’est pas arrêté et il a même été proposé en séance de retirer la mention de la directive européenne 2018/2001 sur la durabilité des matières premières, alors qu’elle s’impose à toute l’Union Européenne.
Enfin, la conversion de la centrale aux agrocarburants n’a pas encore fait l’objet d’une étude, ni d’une évaluation environnementale, l’autorisation actuelle ne concerne qu’une centrale au fioul.
Des changements capitaux actés sans débat public
Entre les lignes, il est également acté qu’en plus de remplacer la centrale thermique de Dégrad-des-Cannes, la nouvelle centrale remplacera aussi la turbine à combustion de Kourou, qui devait être remplacée entre 2021 et 2026 dans la région de la commune. Les guyanais n’en ont jamais été informés pendant l’enquête publique.
Malgré leur importance capitale pour l’avenir énergétique de la Guyane, ces modifications ont été proposées par le gouvernement puis votées par la collectivité sans débat public ni évaluation de leur impact environnemental. Pour Guyane Nature Environnement, il s’agit d’une carence démocratique qui nie la priorité devant être donnée aux énergies renouvelables. “La transparence et l’exemplarité environnementale doivent être la règle, avec la promotion d’énergies réellement durables pour atteindre l’autonomie énergétique 100% renouvelable en 2030, comme promu par l’ADEME.” commente Rémi Girault, Président de Guyane Nature Environnement.