Biomasse en Guyane: oui à un développement vraiment durable

A partir d’aujourd’hui, s’ouvre à Bruxelles le trilogue européen sur la nouvelle réglementation concernant les énergies renouvelables et notamment la filière biomasse. Les enjeux spécifiques au territoire guyanais y seront abordés et sera notamment posée la question des éventuelles dérogations à cette réglementation pour s’adapter aux particularités de la Guyane. Tour d’horizon des enjeux liés à cette évolution.

Une réglementation européenne pour assurer un mix énergétique durable

La directive sur les énergies renouvelables (Renewable Energy Directive ou RED) est une réglementation européenne révisée périodiquement qui vise à orienter les politiques publiques pour rendre durable la production énergétique des pays de l’Union européenne. Cette directive fixe alors des objectifs de production d’énergie renouvelables, des critères pour évaluer la durabilité des énergies ainsi que les conditions d’éligibilité à des subventions sur l’énergie.

Dans le cadre de la révision de la directive, l’attention des rédacteurs s’est portée sur la filière biomasse car des recherches récentes ont montré que la combustion de bois brut non transformé avait un fort impact sur les émissions de gaz à effet de serre et sur la biodiversité. Le texte révisé propose alors d’imposer une première utilisation de la matière comme bois d’oeuvre puis de réserver les déchets d’exploitation forestière et de scierie pour la filière énergie.

Ce système, actuellement utilisé en Guyane, permet de tirer un maximum de valeur économique et environnementale des arbres abattus, jusqu’à la moindre sciure: un arbre abattu pourra alors servir dans la construction, l’ameublement, l’artisanat, la chimie et enfin l’énergie, profitant ainsi à de nombreuses filières sur le territoire et permettant de continuer à stocker du carbone.

Guyane Nature Environnement encourage cette utilisation en cascade du bois, bénéfique au niveau environnemental et économique pour tout le territoire, à la suite de l’exploitation forestière à faible impact pratiquée par l’ONF et les exploitants forestiers ainsi qu’à la suite d’opérations de défriche agricole et urbaine.

Des dérogations imprécises

Le texte qui sera discuté lors du trilogue porte deux modifications par rapport au régime général de la future directive RED III. La première permettrait à la Guyane de déroger au principe d’utilisation en cascade du bois, du bois de charpente jusqu’au bois-énergie, et ainsi d’envoyer des arbres entiers dans les centrales biomasse. Si l’absence de hiérarchisation des usages du bois est à regretter, le texte n’apporte pas non plus les garanties suffisantes pour s’assurer que la filière est durable et que les déforestations permettent in fine l’installation d’agriculteurs ou d’aménagements.

S’agissant de l’exploitation des bois issus d’opérations de défriche agricole et urbaine, une dérogation aux critères de durabilité sur le choix des parcelles a déjà été demandée: cette disposition ouvrirait potentiellement à de la défriche de forêt primaire pour produire de la biomasse, un calcul perdant pour la biodiversité comme pour les autres filières du bois.

La seconde modification du texte porte sur la possibilité de déroger aux critères de durabilité pour la biomasse solide, gazeuse et désormais liquide, autrement dit la production d’agrocarburants. Cette dérogation permettrait alors de produire des agrocarburants sur des terres à grande valeur de biodiversité ou qui stockent beaucoup de carbone, pour des installations spatiales ou énergétiques comme la centrale du Larivot, alors qu’ils pourraient être produits sur des terres déjà dégradées. Là aussi, il y a très peu de garanties sur la durabilité de telles exploitations, qui pourraient rentrer en concurrence avec l’exploitation agricole à but alimentaire alors que l’autonomie alimentaire est un objectif clé du développement du territoire.

“Nous avons la possibilité de développer sur le territoire des filières agricole et énergétique exemplaires et durables, qui profitent à tous les guyanais : pourquoi ne pas aussi hisser la Guyane au rang de carrefour mondial d’excellences en matière de développement durable?” questionne Matthieu Barthas, président de Guyane Nature Environnement.

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